La critique de l'Affiche

L'avis de
Mordue
Je vais voir Made in France confiante : La Poursuite du Bleu, ça fait un moment que je la suis. Je les sais engagés, je sais que le sujet va m'intéresser, je connais l'excellence des comédiens. J'ai juste un petit doute : j'ai entraperçu le sujet du spectacle. La fermeture d'une usine. Or m'accompagne ce soir là un +1 complètement concerné par ce sujet. J'espère que ça ne va pas le démoraliser. Le noir se fait. Je l'entends rire avant moi. Ouf. Gagné.
Un ex-taulard propulsé syndicaliste pour sauver une usine qui délocalise : la situation est improbable, un peu tirée par les cheveux, et pourtant, elle devient le point de départ d’un tourbillon scénique. Ce n’est pas tant l’histoire qui nous embarque que la manière dont elle est racontée : deux panneaux noirs, une batterie, des néons - et tout un monde surgit. Ça tourne, ça glisse, ça cogne. La scénographie devient une machine en mouvement, un reflet d’une société qui s’emballe. Et cette batterie ? Ce n’est pas juste du son : c’est la foule, le rythme, le chaos. L’usine prend vie sous nos yeux.
Et avec elle, un monde entier. Un kaléidoscope politique fascinant : les ouvriers, les syndicats, les élus locaux, les communiquants, les patrons… toutes les strates sont là, chacune avec ses contradictions, ses enjeux, ses angles morts. Pas de héros, pas de méchants. Juste des humains, chacun avec sa vérité, son combat, son bout de réalité à défendre. Pas manichéen pour un sou. Pas de sortie de secours. Vous cherchiez un héros de Disney ? Repassez plus tard.
C'est marrant, parce que pendant, on rit beaucoup, mais ce qui reste, c'est l'amertume. Le message - même si je déteste ce mot. C'est bien fait. Ça se glisse en nous, l'air de rien. On nous fait rire de ce qui devrait nous mettre en colère. Et dans ce rire se glisse une réflexion. Sur les mécaniques politiques, les conflits d’intérêts, les illusions collectives. J'ai rarement vu du théâtre politique aussi populaire. C'est Molière en gilet jaune. C'est une farce qui éclaire. Une satire qui percute. Si l’actu avait cette forme-là, elle serait tout aussi badante — mais au moins, on rigolerait un peu. Et on comprendrait mieux, aussi.